Sur les hauteurs de Rio, la petite favela Morro dos Prazeres est une exception : les ruelles, colorées par des graffitis, y sont d’une propreté impeccable. Pas de sacs poubelle jetés par les fenêtres, pas de détritus à même le sol, délaissés par les services de la ville. Une fois par semaine, le camion de la compagnie de recyclage vient chercher les déchets en plastique. Sous l’impulsion de Cris et de son mouvement ReciclAção, l’association des habitants a disposé des sacs de collectage aux points stratégiques de la favela. Et c’est toute la favela qui retrouve le plaisir de « vivre ensemble », au-delà de l’environnement.
Antonio
D’une certaine façon, le projet éducatif de tri sélectif et de recyclage des déchets ReciclAção est né d’une catastrophe naturelle : le 6 avril 2010, un violent orage s’est abattu sur la ville. Au Morro dos Prazeres (la colline des plaisirs), une petite favela de 7000 âmes perchée dans le quartier de Santa Teresa, l’éboulement d’une partie d’un coteau, sur lequel reposait une immense décharge, a provoqué la mort de 34 personnes. À l’époque, des habitants de la communauté se sont mobilisés pour accueillir les blessés et ceux qui avaient perdu leurs maisons. Ce lien retrouvé entre habitants a permis une prise de conscience sur l’environnement et l’importance que pouvait a avoir sa préservation pour tous les habitants.
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Zoraide Francisca Gomes, plus connue sous le nom de Cris Dos Prazeres : « La géographie de la favela est complètement différente de celle de la ville. Après le drame, nous avons pris toutes ces questions à bras le corps. Avec l’aide des services publics, nous avons cherché à améliorer les accès en installant des rambardes et des rampes pour handicapés. Pour les ordures, nous sommes allés trouver la compagnie de nettoyage de la ville afin d’instaurer un dialogue. C’est ainsi que nous avons construit ReciclAção : à partir des souhaits de la communauté. »
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Orlando Bernardo da Silva, habitant du Morro dos Prazeres et agent de recyclage : « Ce qu’il y a de plus intéressant, dans le projet ReciclAção, c’est la préservation de l’environnement. Avec tous les problèmes qui s’accumulaient dans la favela, nous n’en avions pas conscience. Franchement, est-ce que je vais me soucier des ordures alors que je ne sais même pas si je vais déjeuner ? »
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Cris : « Nous utilisons des éco-bags (sacs écologiques). C’est plus facile, ils ne prennent pas beaucoup de place. Actuellement, nous en comptons 40. Il y en a eu davantage, mais leur nombre va probablement diminuer au fur et à mesure que les habitants apprennent à recycler. Nous voulons juste les conserver dans des endroits stratégiques, comme les places publiques, les commerces, les églises et l’entrée principale de la favela. »
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En trois ans, 45 tonnes de déchets recyclables ont été collectées avec l’aide de la communauté. Cris : « La favela est beaucoup plus propre, les habitants trient chaque jour davantage. La première année, nous avons recyclé un peu moins de 600 kg. C’est ce que l’on fait aujourd’hui en une semaine de travail. »
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Orlando : « Derrière ce résultat, il y a de nombreux partenaires, notamment tous ceux que l’on ne voit pas : les sociétés, comme celles qui reçoivent le matériel recyclé, les habitants, et la Compagnie urbaine de nettoyage (Comlurb). Les autres favelas nous envient. »
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Orlando : « Les employés de la Comlurb ont été bien accueillis ici. Les jeunes viennent travailler avec plaisir et nous appellent par nos prénoms. Nos relations sont excellentes. Chaque jour, nous sentons combien ils sont importants. Ce ne sont pas de simples balayeurs de rue, ce sont les protecteurs de l’environnement. »
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Orlando : « En vérité, on ne se rend vraiment compte de l’impact du projet qu’en se rendant dans les autres favelas. La différence est flagrante. À cet endroit précis, par exemple, il y avait une grande décharge. Aujourd’hui, c’est la place Doce Mel (doux miel), un lieu de rencontre, une aire de loisirs où nos enfants s’amusent et où l’on organise des barbecues. »
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Cris : « Ce jardin, nous l’avons réalisé en 2011, en retirant collectivement 7,5 tonnes de déchets en une seule journée. Le samedi, en fin d’après-midi, l’endroit grouille d’enfants qui s’ébattent. Il y a aussi la petite vieille qui coud, l’autre qui fait du fuxico ou du crochet, l’ambiance est très famille. C’est ça l’idée du jardin : travailler sur l’estime de soi, réveiller la conscience du collectif, retrouver un peu de ses origines. Au Brésil, les gens migrent d’un État à un autre et perdent une partie de leur identité et de leur culture. »
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Cris : « Au Morro dos Prazeres, la différence, ce sont les gens : ils n’ont pas honte de faire ce qu’ils font. Dona Maria et Seu Zé, son mari qui nous a malheureusement quittés depuis, étaient venus nous donner un coup de main. Il y a des photos de lui en train de balayer. À 90 ans, il était fou de joie. Travailler dans une décharge pour la transformer, c’était son vœu le plus cher. »
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Cris : « Le comportement des gens n’a pas changé qu’à l’intérieur de la favela. Mais aussi dans la rue, dans les transports, dans les endroits publics, au cinéma, sur la plage… Le plus belle réussite est d’être parvenu à changer les mentalités, que les gens se disent : “Je ne vais pas jeter d’ordure ici pour ne pas polluer ma ville. C’est l’endroit où je vis." Voilà ce que le projet ReciclAção a accompli de mieux au Morro dos Prazeres. »
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La Morro dos Prazeres (la colline des plaisirs) est une petite favela de 7000 âmes perchée dans le quartier de Santa Teresa.
En trois ans, 45 tonnes de déchets recyclables ont été collectées avec l’aide de la communauté.
Publication / Mise à jour : 25.11.2016