Library of Things : location et do it yourself solidaires

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À Londres, cette petite boutique a été l’un des premiers lieux de Library of Things.

Trois jeunes Londoniens ont ouvert un magasin de location original au sud de la ville. En plus des objets proposés à la location, ils ont réussi à recréer du lien social entre les habitants de West Norwood, quartier aux populations mélangées, plutôt de classes moyennes.

Mai 2016, c’est la semaine du design à Clerkenwell, quartier de Londres. Library of Things fournit les outils et apporte son expertise à des lycéens de 15 à 17 ans, pour la construction d’un pavillon d’été dans le jardin de l’église Saint James. Ses responsables aident les jeunes à élaborer les plans de la structure : un abri de jardin en bois. Ils travaillent avec 35 étudiants issus de 9 écoles dispersées à travers Londres. Leur but est de susciter l’intérêt de ces jeunes pour l’architecture et pour l’ingénierie, en particulier sur le terrain social. De la conception à la fabrication, les étudiants sont impliqués dans chaque étape de la réalisation du design du nouvel édifice. « Il est essentiel de les intéresser et les impliquer à l’aménagement de l’espace public. Il s’agit de leur espace de vie. Il faut qu’ils en deviennent acteurs », insiste Emma Shaw, fondatrice de Library of Things.

Une alternative à la société de consommation

Avec l’aide de Rebecca Trevalyan et de Sophia Wyatt, Emma Shaw fonde Library of Things après un voyage à Berlin en 2014. Dans la capitale allemande, elles découvrent un magasin qui loue au lieu de vendre des outils et des petits équipements du quotidien (toaster, table à repasser, outils de bricolage, etc.). Ce système répond à plusieurs enjeux, en particulier éviter le gaspillage, tout en favorisant le recyclage. Un appareil peut servir à plusieurs foyers. C’est aussi un bon moyen pour les familles à faibles revenus de pouvoir tout de même bricoler ou mieux vivre au quotidien, en louant ce dont elles ont besoin, à très bas prix : du râteau au marteau, en passant par la machine à coudre, la cafetière, la scie électrique, le sac à dos et les raquettes de tennis.

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All rights reserved. Sebastian Wood - Library of Things

L’intérieur d’une « Library of Things »

 

Deux ans après Berlin, Emma démissionne de son travail d’analyste financier et se consacre pleinement à traduire cette bonne idée sur le marché britannique, où la demande existe. Le premier stock est constitué en allant chiner dans les marchés aux puces, en faisant du porte à porte et en installant des stands dans la rue, où elle et ses deux amies invitent les passants à donner les biens qui ne leur servent plus. Alors qu’Emma n’a pas encore quitté son emploi d’analyste, une campagne de crowdfunding est lancée, dès le 4 juin 2015, sur le site participatif américain Kickstarter. Elles récoltent 14.485 livres, provenant de 248 donateurs. De quoi bien débuter, d’autant que le centre communautaire « The Open Works » leur offre gracieusement mais temporairement des locaux au sein de la bibliothèque de West Norwood, au sud de Londres.

Mieux qu’un magasin de quartier, un lieu de sociabilité

Pour que l’initiative fonctionne, il est impératif de s’inscrire sur un territoire, afin de toucher sa population. « Il n’y a pas de meilleure façon de vivre en communauté que de participer à son élaboration », reprend Emma. Pour les habitants, rien de plus simple que d’entrer dans cette communauté : il leur suffit de se présenter munis d’une photo d’identité et de signer la charte de l’organisation. C’est gratuit. Une fois enregistré, le nouveau membre accède au catalogue de location. Tous ont le droit à cinq objets ou appareils pour une location d’une semaine. Le prix varie entre 50 pennies (0,60 euro) et 10 livres sterling (12 euros) selon les produits – là où par exemple une perceuse s’emprunte pour environ 45 euros dans une boutique comme Kiloutou.

Très rapidement, les résidents du quartier s’approprient l’endroit ; ils ne se contentent plus de louer et commencent à donner des objets. Pour améliorer l’offre de location, les fondateurs s’associent par ailleurs à des chaînes de magasins comme B&Q, équivalent anglais de Bricorama. Ces entreprises-là y voient un bon moyen d’écouler leurs invendus, ou de ne pas jeter et de rendre utiles des appareils difficiles à vendre pour cause de petits défauts de fabrication pourtant sans aucune incidence sur leur usage.

Bien plus qu’un simple magasin de location, Library of Things est devenu un lieu où les habitants aiment se retrouver. Des évènements y sont régulièrement organisés, des ateliers sont mis en place afin que les habitants-membres apprennent à utiliser les appareils mis en location, à réparer leurs objets et équipements personnels, etc. Sont désormais proposés des cours de cuisine ou de « DIY » (do it yourself, « fais le toi-même » en bon français), afin que chacun apprenne à créer ses propres appareils ou produits…

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Cette scène, d’une dame apprenant à un jeune comment bricoler tout seul, est à l’image de l’esprit de Library of Things : donner à toutes et tous les moyens du « Do It yourself ».

Les prémices d’un grand réseau solidaire ?

Enregistrée comme entreprise à caractère social, Library of Things a permis de salarier les trois membres fondateurs. Ils sont épaulés dans leur travail par des bénévoles, c’est-à-dire des membres invités à donner, soit de leur temps, soit de l’argent.

Après plus d’un an d’activité, la petite entreprise a emménagé dans ses nouveaux locaux, toujours à West Norwood. L’objectif est dorénavant de poursuivre l’implantation du concept dans le reste du pays, en proposant des formations courtes pour les communautés désirant ouvrir leur propre Library of Things. Méthodes, organisation, trucs et astuces pour l’aménagement du local, la constitution du stock et la collecte de fonds sont au programme des futurs apprentis.

D’ailleurs, Library of Things s’est associée à des projets similaires dans le pays ainsi qu’à l’étranger dans le but de renforcer son impact social. On en trouve maintenant à Sacramento en Californie, à Reading dans le Massachusetts, et à Utrecht aux Pays-Bas. Une plateforme Web (MyTurn) est également disponible pour permettre à chacun de démarrer sa propre Library of Things. Dans une interview sur le média Résilience.org, Gene Homicki, président et cofondateur de MyTurn, parle même du mouvement Library of Things : « Nous aidons à construire un futur où peu importe où vous vivez, où vous travaillez, où vous voyagez, vous serez capable de louer ce dont vous avez envie ou besoin dans l’une des Library of Things qui constituent le réseau. »

Library of Things et son réseau grandissant se donnent pour ambition de fournir les ressources qui permettront de créer des communautés résilientes. Grâce à cette approche originale de l’ordre de l’empowerment, les habitants deviennent en théorie capables de mettre eux-mêmes en place les solutions les plus adaptées à leurs propres besoins. Comme le dit Emma Shaw : « Quand les maisons, les rues et les quartiers sont gérés par les habitants eux-mêmes, ces lieux deviennent bien plus qu’un espace bâti anonyme. Ces lieux deviennent véritablement leurs maisons, façonnées par leurs histoires et leurs souvenirs. »

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Données en plus

Chaque adhérent a droit à cinq objets ou appareils pour une location d’une semaine. Le prix varie entre 50 pennies (0,60 euro) et 10 livres sterling (12 euros) selon les produits.