Dossier / Berlin, réinvestir la vie de quartiers / Empowerment

ReDI School : l’intégration en mode numérique

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Un des cours de programmation donné à Berlin à de jeunes migrants, au printemps 2016, par ReDI School.

Entreprise sociale sans but lucratif née à Berlin, la ReDI School vise à former des migrants au métier de codeur ou encore de webmaster, en les associant pleinement à la construction de leur projet de nouvelle vie.

9 juin 2016. C’est jour de fête et de célébrations à la pépinière numérique Alex Springer Plug and Play de Berlin. Les premiers étudiants de l’école ReDI School (Readiness and Digital Integration) viennent d’obtenir leur certification. Ils pourront bientôt trouver du travail en tant que développeur ou webmaster. Ces élèves ont tous une particularité : ils sont réfugiés en Allemagne. Le 21 février 2016, la ReDI School a lancé, à Berlin, ses deux premiers programmes de formation au codage destinés aux migrants. Les 40 élèves originaires de Syrie, d’Afghanistan et d’Érythrée pour la plupart, ont pu bénéficier d’un enseignement complet et gratuit en programmation informatique. En plus des cours, l’école leur a fourni à chacun un ordinateur portable.

Des formations adaptées au marché allemand

Avec ses formations, l’école ReDI School offre une réponse parmi bien d’autres à deux problèmes majeurs auxquels l’Allemagne doit faire face : intégrer le mieux possible plus d’un million de demandeurs d’asile et juguler le vieillissement d’un pays dont le taux d’accroissement naturel était de - 0,2 % en 2012. De façon très pragmatique, les équipes de ReDI School ont vu dans cet afflux migratoire un potentiel vivier de jeunes talents pour l’économie allemande. De quoi combler le manque de main-d’œuvre, notamment qualifiée, qui pourrait affecter la croissance économique.

C’est l’une des forces d’un tel programme : s’appuyer sur un réel besoin de compétences informatiques, et se donner les moyens d’accompagner les programmeurs tout juste formés sur le marché du travail. Si Berlin se situe aux avant-postes des nouvelles pratiques numériques, l'Allemagne éprouve en effet beaucoup de difficultés à pourvoir les nombreux postes de codeurs et intégrateurs au sein des PME du pays. À titre d’exemple, une récente enquête révélait que plus de 43 000 emplois étaient vacants en 2015 dans l'industrie des technologies de l’information.

Une politique d’intégration sélective

ReDI School, entreprise sociale à but non lucratif, fait partie de la pépinière numérique Axel Springer Plug and Play Accelerator qui regroupe des dizaines d’autres start-up. Début 2016, certaines ont initié le programme 8, qui vise à regrouper celles travaillant dans le but d’améliorer les conditions de vie des réfugiés en Allemagne. Pour financer ses formations (gratuites) et son personnel, l’école fait donc appel au secteur privé. Le groupe allemand de production d’acier Klöckner & Co fut le principal investisseur de la première campagne de formation. Comme le souligne son PDG Gisbert Rühl : « L’intégration des réfugiés dans notre société est très importante pour nous. Cela inclut un avenir professionnel, notamment dans la dynamique économie digitale. C’est la raison pour laquelle nous voulons accroître notre participation dans ce domaine. Nous espérons voir de nombreux futurs postes occupés par des élèves de la ReDI School. »

En pleine mutation numérique, le géant de l’acier manque d’employés hautement qualifiés et spécialisés en informatique. ReDI School serait donc un moyen de pallier ce besoin, d’autant mieux qu’un tri est opéré parmi les migrants : seuls les bilingues (anglais) ont accès à ce programme. « Grâce à ce projet, nous les aidons à exprimer leur potentiel. À titre personnel, c’est un honneur de contribuer à leur épanouissement », insiste Sebastian Probst Eide, bénévole-fondateur de ReDI et responsable technique d’une start-up à Berlin. Afin de pérenniser son activité, ReDI School souhaite multiplier les partenariats, notamment avec des entreprises dans la même situation que Klöckner & Co.

Une intégration par la responsabilisation

De fait, le programme répond à la fois au besoin de vraies opportunités d’embauche, et à une mission de solidarité sociale vis-à-vis de migrants. Sur ce dernier point, force est néanmoins de constater la limite de l’initiative : seuls les réfugiés ayant le meilleur bagage culturel et social peuvent prétendre à cette formation exigeante. Les autres – ceux qui n’ont pas les capacités suffisantes pour devenir développeurs – restent sur le pas de la porte. Les heureux élus, en revanche, bénéficient d’une politique efficace d’empowerment : ils sont accompagnés par une équipe pédagogique dans la définition de leur projet et leur immersion dans la vie active ; ils doivent d’ailleurs, tout en suivant les cours, s’intégrer dans le vivier des start-up, se créer leur propre réseau de contacts, etc.

La preuve par l’exemple : il n’est pas rare que les élèves soient invités à des conférences, soit comme participant, soit comme intervenant. Un simple tour sur la page Facebook de l’école permet de voir de nombreuses vidéos où les apprentis codeurs montent sur l’estrade lors de conférences liées à cette filière « numérique ». Les formateurs font tout pour qu’ils se prennent en main, leur laissant le choix de décider de tel ou tel type de programmation. Une telle implication est le meilleur moyen pour que l'intégration réussisse.

 

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Données en plus

40 élèves originaires de Syrie, d’Afghanistan et d’Érythrée pour la plupart, ont pu bénéficier de la première formation gratuite.